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Risque d’un manque de paille en 2020

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Risque de manque de paille

Une situation exceptionnelle

La pluviométrie particulièrement excédentaire de l’automne pouvant atteindre plus de 2 fois la moyenne historique a perturbé les semis de céréales d’automne et de prairies. Ces pluies continuelles depuis fin septembre ont également retardé les récoltes de tournesol, maïs, sarrasin…

Cette situation, particulièrement exceptionnelle, touche l’ensemble du département et concerne quasiment toutes les exploitations. Suivant la nature des sols et l’importance des pluies de début d’automne, des territoires ont été plus pénalisés que d’autres.

Les services de la Chambre d’agriculture évaluent à un peu moins de la moitié de la surface en céréales d’automne qui n’a pas pu être semée. Certaines exploitations n’ont pas emblavé un hectare de céréales. L’abondance des pluies, juste après des semis, compromet également le bon développement des plantes. Sur certaines parcelles la céréale devra être remplacée par une nouvelle culture au printemps. Les assolements vont donc être modifiés en 2020 et des répercussions sont également attendues sur la campagne culturale de l’année suivante.

Cette situation va se répercuter sur l’offre de paille pour les exploitations d’élevage. Pour anticiper ce manque de paille sur les exploitations d’élevage, la Chambre d’agriculture invite les agriculteurs céréaliers qui peuvent mettre à disposition des exploitations d’élevage quelques hectares de céréales à se faire connaitre auprès de ses services, tout comme les éleveurs qui ont des besoins.

Un outil à votre disposition

Sur la page d'accueil du site de la Chambre d’agriculture, un icône intitulé « offre fourrage »  permet d’accéder au service d’offres et demandes de fourrages. Un céréalier peut compléter son offre qui sera transmise par les services de la Chambre d’agriculture auprès de l’éleveur correspondant au mieux aux conditions de l’offre et de proximité. Chaque éleveur peut compléter sa demande de paille ou fourrage en ligne. Elle pourra alors être consultée par des offreurs qui peuvent proposer leur paille.

Chacun peut directement compléter sa fiche en ligne, ou contacter les services de la Chambre d’agriculture au 05.49.44.74.74 pour la remplir en directe ou se rapprocher de son conseiller de la Chambre d’agriculture.

 

Le mot du président, Philippe TABARIN :

Devant les circonstances climatiques exceptionnelles, avec les Membres du bureau de la Chambre d’agriculture, j’invite les agriculteurs à faire preuve de solidarité entre voisins et entre nos territoires départementaux. La situation est particulièrement difficile à vivre et à gérer. Pour les plus chanceux d’entre nous, identifions sur nos exploitations quelques hectares de céréales qui peuvent fournir un peu de paille auprès de nos collègues éleveurs du département ou départements voisins.

Nous sommes encore loin de la moisson et nous espérons que la situation météorologique trouve une longue accalmie pour permettre des semis de céréales de printemps. Les craintes d’aujourd’hui seraient alors levées. Nous souhaitons anticiper le risque de manque de production de paille chez les éleveurs en favorisant les collaborations entre agriculteurs. Nous espérons que la situation se corrige et que cette anticipation n’est pas été utile.

Gouverner c’est prévoir, avec le risque de nous effrayer, mais c’est avant tout anticiper pour atténuer les répercussions techniques et économiques de cet évènement météorologique exceptionnel. Les conseillers de la Chambre d’agriculture sont des relais sur le terrain pour faciliter les collaborations entre les agriculteurs afin de développer les couplages entre les productions et les exploitations au sein des territoires.

 

Évaluation de la valeur économique de la paille

En se séparant de la paille, le céréalier va exporter les minéraux et la matière organique qu’elle contient. Afin d’éviter l’appauvrissement du sol, il est donc nécessaire de compenser ces éléments par l’achat d’engrais. Le prix plancher de la paille est donc basé sur ses valeurs fertilisantes, le prix moyen des engrais simples (super 45, chlorure de potassium…) et des amendements organiques ainsi que des interventions nécessaires pour les réintégrer au sol.

Valeur économique des élements fertilisants : 9,5 €/tonne

La paille contient essentiellement de la potasse, puis en moindre proportion du phosphore, du magnésium, du calcium…
Le calcul est basé sur les valeurs fertilisantes de la paille et le prix moyen des engrais simples qui servent de base d’évaluation des unités apportées.

En résumé dans le tableau ci-dessous :

Source prix engrais : agri-économie livraison Juillet/Août 2019 conditionnement Big Bag 600kg livrés par 12t pour Super 45 et chlorure.         

L’azote contenu dans la paille n’est pas disponible pour les cultures, car pour sa dégradation elle mobilise même les reliquats d’azote du sol. Le coefficient de disponibilité de l’azote est  donc nul. Pour les autres éléments 1 unité mesurée est équivalent à 1 unité minérale.

 

La valeur économique de l’humus : 5,2€/ tonne

En exportant les pailles, la matière organique qui constitue après transformation l’humus est donc soustraite.

Il est indispensable d’estimer la perte de cette  matière organique pour l’intégrer dans le prix de la paille.

En comparant les prix de vente de différents produits organiques, desquels est déduite la valeur économique des éléments fertilisants, le prix moyen de la tonne d’humus stable peut être évalué à 40 euros.

Une tonne de paille produit environ 130 kg d’humus stable soit une valeur économique d’humus de 5,2 euros par tonne de paille exportée.

 

L’épandage des minéraux exportés : 2€/tonne

Pour compenser les éléments fertilisants exportés, il est nécessaire de réaliser un épandage d’engrais et d’amendement.

Le coût supplémentaire d’épandage est évalué de 8 à 10 euros par hectare soit 2-2,5 euros par tonne de paille avec un rendement de 3 à 4 t/ha pour chacun des deux épandages.

On peut aussi prendre en compte la petite économie de carburant occasionnée par la suppression du broyage des pailles lors de la moisson. Cette économie varie entre les moissonneuses et représente de 2 à 6 litres de carburant soit 1€/t à déduire de la valeur de la paille.

 

La valeur économique globale

La valeur économique plancher d’une tonne de paille comprenant la valeur des fertilisants et leur épandage et la  valeur humus est d’une vingtaine d’euros. Ce montant permet de couvrir les frais occasionnés par les exportations de la paille.

 

Côté bio

Dans les exploitations de grandes cultures biologiques sans effluents d’élevage le maintien des teneurs en phosphore du sol est difficile à assurer, d’autant plus s’il y a dans la rotation des cultures fortement exportatrices de cet élément, comme des légumineuses de fauche. Sauf dans le cas d’échanges paille/fumier, il est donc prudent de ne pas exporter les pailles et ainsi limiter les prélèvements.

La paille bio est donc rare, mais la réglementation autorise l’utilisation de paille conventionnelle uniquement à l’usage en tant que litière.

Il n’existe pas d’engrais minéral phosphaté soluble (à l’image du superphosphate) utilisable en bio. Ceci rend l’estimation de la valeur de la paille bio plus complexe. Néanmoins en extrapolant on obtient un prix plancher de 28 €/tonne.

 

L’échange paille fumier

Les fertilisants organiques sont intéressants pour augmenter les stocks de matière organique et donc par conséquent la fertilité des sols. Les cycles locaux des nutriments existent au sein des systèmes de polyculture élevage qui ont fortement régressé au profit de la spécialisation céréalière. Ce bouclage des cycles des nutriments peut être retrouvé entre exploitations spécialisées de grandes cultures et d’élevage. Les interactions et synergies entre élevage et cultures au sein d’une même exploitation peuvent se construire entre les exploitations d’un territoire avec l’échange de produits comme de la paille contre du fumier.

L’échange peut se raisonner sur une évaluation d’équivalence suivant la valeur fertilisante, la valeur humique et le travail réalisé par chaque partenaire.

 

L’équivalence en éléments minéraux

Le coût des éléments fertilisants du fumier dépend de ses valeurs fertilisantes et donc du type d’élevage et de son stockage. La disponibilité de la potasse et du phosphore après minéralisation est à plus ou moins long terme identique aux engrais minéraux mais plus en faveur des produits organiques. Par contre la mise à disposition de l’azote est variable selon la part des formes minérales rapidement disponibles et des formes organiques qui peuvent se minéraliser sur plusieurs années. On distingue ainsi des effets azote à court terme liés à la fraction minérale et celle organique minéralisable au cours des 2 années suivant l’apport, des effets à long terme de la fraction plus stable intégrée dans le stock d’humus stable. Ainsi, le coefficient de disponibilité de l’azote n’intègre pas cette dernière forme et varie suivant la nature du sol, l’époque d’épandage, le couvert végétal en place et l’incorporation au sol. Ce coefficient est compris, suivant les différentes sources bibliographiques entre 0,2 et 0,7. Pour le calcul économique nous retiendrons 0,5.

Valeurs économiques de quelques fumiers en litière accumulée (conjoncture 2019-2020) :

Les valeurs fertilisantes sont issues de différentes sources de données (Arvalis, Chambres d’agriculture, Idele….)

En résumé, l’équivalence économique sur la base des éléments fertilisants s’établit à :

  • 1t de paille pour 0,9 t de fumier bovin,
  • 1t de paille pour 0,65 t de fumier ovin,
  • 1t de paille pour 0,7 t de fumier caprin.

 

L’équivalence en valeur humique du fumier

Les teneurs en humus stable des produits organiques sont assez variables suivants les sources de données et l’avancement de la recherche en cours. Le coefficient isohumique (K1) est l’expression de la quantité d’humus stable formé en fonction de la quantité de matière sèche du produit organique apporté au sol. Il permet de donner une estimation du potentiel humique du produit organique en attendant l’élaboration d’un nouvel indicateur, indice de stabilité de la matière organique (ISMO).

Rapport d’équivalence en quantité d’humus :

Pour remplacer l’exportation d’humus d’1 de tonne de paille de céréales il est souhaitable d’apporter :

  • 1,9t de fumier bovin,
  • 1,6t de fumier ovin,
  • 1,5t de fumier caprin.

 

L’équivalence en valeur économique des minéraux et de l’humus

A défaut de prix de marché de l’humus, sa valeur économique est estimée sur la base du prix de marché de produits organiques, desquels est déduite la valeur économique des éléments minéraux (N,P,K, MgO,CaO). Le prix moyen de la tonne d’humus stable ainsi obtenu peut-être évalué à 40 euros. Ce prix intègre également d’autres éléments comme le souffre….

En donnant une valeur économique aux éléments majeurs des produits organiques et en restituant le fumier sur la parcelle, le rapport d’échange s’établit à :

  • 1t de paille de céréales contre 1,05 t de fumier bovin,
  • 1t de paille de céréales contre 0,8 t de fumier ovin,
  • 1t de fumier de céréales contre 0,9 t de fumier caprin.

 

Le travail d’épandage

Le produit organique issu de la paille prélevée chez un céréalier doit être rendu à la parcelle dans les mêmes conditions qu’aurait été la paille si elle n’avait pas été enlevée. Le transport du fumier jusqu’à la parcelle est réalisé par l’éleveur lors du curage.

Le cout d’un chantier d’épandage de fumier revient entre 3 et 6€/tonne de fumier suivant le type de prestation, les équipements matériels mobilisés, l’organisation et la distance entre le lieu de stockage en bout de champs et les parcelles.

Si le chantier est supporté par le céréalier, cette charge peut être compensée par du fumier supplémentaire sur la base d’une majoration de 40% soit :

  • 1,5t de fumier bovin,
  • 1,1t de fumier ovin,
  • 1,2t de fumier caprin.

 

Des responsabilités

Le producteur des effluents d’élevage est responsable de l’utilisation de ses effluents jusqu’à l’épandage. L’exploitant qui utilise l’effluent est également responsable du choix de la parcelle réceptrice, du respect des interdictions d’épandage, de la durée du stockage et de l’enregistrement des épandages. Si l’élevage est soumis aux Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), l’exploitation doit posséder un plan d’épandage. Seules les parcelles présentes dans ce plan d’épandage peuvent recevoir les effluents issus de cet élevage.

 

Olivier PAGNOT - François DUPONT - François PERISSAT - Thierry QUIRIN : Chambre d’agriculture de la Vienne