Variétés de luzerne

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Intérêts agronomiques de la luzerne

La luzerne est reconnue pour ses nombreux atouts agronomiques. Ses racines profondes et puissantes permettent d’améliorer la structure du sol. De par son port couvrant et surtout grâce à la succession des coupes, c’est aussi une culture qui permet de gérer la flore adventice. La luzerne est une excellente tête de rotation : après sa destruction, elle libère progressivement aux cultures suivantes l’azote qu’elle a fixé grâce à ses nodosités. 60 % de l’azote contenu dans la luzerne au moment de sa destruction sont minéralisés dans les 18 mois suivants. La libération d’azote peut se prolonger jusqu’à 4 ans après la destruction de la luzerne.

Pour limiter les pertes d’azote par lixiviation après un retournement de luzerne, un raisonnement de la succession des cultures est nécessaire :
-    Réduire le délai entre la destruction de la luzerne et l’implantation de la culture ou du couvert suivant.

-    Optimiser la succession des cultures et des couverts sur au moins 2 années culturales après la luzerne :
o    Implanter des couverts de type crucifères pendant les inter-cultures.
o    Eviter d’implanter des céréales après la luzerne, car elles ne permettent pas une valorisation optimale de l’azote libéré. Des cultures telles que le colza après une destruction à l’automne ou le maïs après une destruction au printemps sont plus pertinentes. Si ce n’est pas possible, préférer une implantation de la céréale en direct dans la luzerne.

Résultats de l’essai variétés

Présentation de l’essai

L’essai a pour objectif d’évaluer différentes variétés de luzerne. L’évaluation porte sur leurs rendements (tMS/ha) et leurs qualités fourragères (protéines, énergie, encombrement).

Il peut être intéressant d’associer les espèces afin d’étaler et sécuriser la production, mais surtout afin de s’adapter à des parcelles pédologiquement hétérogènes (zones plus ou moins humides voire hydromorphes, très inadaptées à de la luzerne, mais où un trèfle est plus apte à se développer). C’est pourquoi nous avons testé dans notre essai le mélange de la variété de luzerne Etincelle avec du trèfle violet Javva, semés respectivement à 75 et 25 % du poids total de semences à l’hectare.

Nous avons aussi testé dans l’essai une variété de type méditerranéenne (Occitane) ; les autres variétés sont toutes flamandes, nettement plus dormantes.

Les semences ont été inoculées au moment du semis hormis la variété Nutrix dont la semence a été pré-inoculée par la technologie SAS Gold, développée par Jouffray-Drillaud. La variété RGT Dentelle a été testée avec les deux types d’inoculation (inoculation au semis et pré-inoculation).

L’essai comporte 11 modalités, qui sont répétées 3 fois.

 

CommuneCelle-l’Evescault

Date de semis

 
14/08/2017
Dose de semis25 kg/ha
Type de sol

Terre rouge à Châtaigniers

Désherbage 202026/12/2019 : Kerb flo à 1,7 l/ha
Fertilisation et amendement 2020 
  • 15 t de fumier
  • 200 Kg de Chlorure de potasse
  • 300 Kg de super 18
 
Nombres de répétitions3

 

 


Nous présentons dans cette synthèse les résultats de la troisième année de production des luzernes. L’essai étant trop hétérogène lors de la 1ère coupe 2020, nous n’avons pas réalisé de mesures pour cette coupe. Nous présentons donc les résultats de la 2ème et 3ème coupe. La parcelle a été pâturée en fin de cycle, et donc a été exploitée quatre fois.

 

Les résultats obtenus

Rendements :

 

  • Rendement 2020 _ 3ème année de récolte, sur la C2 et la C3

 

 

Statistiquement, sur les deux coupes réalisées en 2020, les rendements ne sont pas différents entre les variétés.

Le rendement moyen de la deuxième coupe est de 3,6 t de MS/ha. Il varie de 3,1 à 3,9 t de MS / ha.

Le rendement de la troisième coupe est compris entre 1,4 et 1,9 t de MS. Il est en moyenne de 1,6 t de MS/ha.

Lorsqu’on cumule les deux coupes, c’est la variété Nutrix qui sort en tête avec un cumul de 5,6 t de MS/ha, suivie de près par les variétés Occitane (variété de type Méditerranéen) et RGT Dentelle pré-inoculée avec la technologie SAS Gold.

 

  • Rendement cumulé sur les 3 années de récolte

 


Au cours des 3 premières années de l’essai, 7 mesures de rendement ont été réalisées : 2 mesures en 2018 et 2020, sur les 2nde et 3ème coupe, la 1ère coupe étant trop sale, et 3 mesures en 2019.

Sur ces 7 mesures, la variété Dentelle inoculée avec la technologie SAS Gold sort en tête avec un rendement de 22,7 t de MS/ha.

Elle est suivie de près par la variété Nutrix à 22,5 t de MS/ha.

Le mélange de la luzerne Etincelle et du trèfle violet Javva arrive en 3ème place, avec un rendement cumulé légèrement meilleur à celui de la luzerne Etincelle semée en pure : respectivement 22,1 et 21,5 t MS/ha. C’est surtout en 2019 que le mélange a fait la différence, même si l’écart reste marginal : rendement 2019 du mélange supérieur de 4 % au rendement 2019 de la luzerne Etincelle en pur. En 2020, les trèfles sont peu présents, on peut penser qu’ils ne contribuent presque plus au rendement de la modalité.

Enfin, on constate dans les résultats de rendement cumulé que les variétés Excelle et Mezzo sont en retrait, quoique cette différence ne se fasse qu’à partir de la 2nde année de production.

 

 


 

 

Rendements et taux de protéines :

 

  • Rendements cumulés (7 coupes) et taux de protéines moyens (4 coupes) sur les 3 années de récolte

 

 

 

La luzerne est un fourrage apprécié car riche en protéines.

Sur les 11 variétés et les 3 années de mesures, réalisées sur la 2ème coupe, le taux moyen de protéines est de 18,5 %.

On observe peu de variabilité entre les variétés. La teneur en protéines moyenne sur les 3 années se situe entre 17,4 % pour Galaxie Max et 19,4 % pour le mélange Etincelle + Javva.
Les variétés Dentelle, Occitane et Etincelle sont celles qui obtiennent à la fois un bon rendement et un taux de protéines élevé.

Le mélange luzerne + trèfle violet a un taux de protéines en moyenne de 19,4 % contre 18,7 % pour la variété Etincelle en pure.

La variété Nutrix obtient de très bons rendements mais son taux de protéines est en retrait avec une moyenne à 17,5 %.

 

 


 

 

Indicateurs de valeurs nutritives :

 

Lors de l’analyse de valeurs nutritives, on s’intéresse en priorité à trois ratios différents :

  • Le ratio (PDIN-PDIE)/UF, appelé Rmic

Pour les petits ruminants (caprins et ovins), le rapport (PDIN-PDIE)/UF doit rester entre 5 et 15. Pour des bovins, ce rapport peut être plus faible, mais ne doit pas être inférieur à -4, sinon c’est signe d’un déséquilibre nuisible à la flore microbienne du rumen. Or cette flore microbienne est indispensable à la synthèse des protéines dont bénéficiera l’animal, donc primordiale dans l’alimentation du ruminant. D’où l’importance d’équilibrer la ration pour conserver un ratio proche ou supérieur à 0. Le ratio (PDIN-PDIE)/UF baisse avec la perte de valeur nutritive du fourrage, perte de valeur qui accompagne l’avancée du stade physiologique de la plante. Une luzerne aura par exemple un ratio (PDIN-PDIE)/UF de 60 à 70 g PDI/UF, si elle est ensilée précocement (au stade début de bourgeonnement) ; tandis qu’une luzerne récoltée plus tardivement (en floraison) aura un ratio autour de 10 g PDI/UF. A titre de comparaison, des prairies de graminées pures, récoltées tardivement, vont quant à elles, accuser des ratios négatifs : par exemple -15 g PDI/UF pour une prairie permanente au stade épiaison.

  • Le ratio PDI/UF

Il donne le rapport entre azote dégradable total (PDI) et énergie dégradable du fourrage (UF). Pour ce ratio, on tient compte de la valeur limitante en PDI, c’est-à-dire soit des PDIE, soit des PDIN, en prenant la plus faible valeur des deux. Pour des vaches laitières, le ratio PDI/UF de la ration globale doit se situer autour de 100 g de PDI/UF, afin que l’équilibre entre protéines et énergie soit optimal. Pour des vaches allaitantes, un ratio PDI/UF plus faible est acceptable, mais cela dépend du stade physiologique : en fin de gestation, on peut descendre à 85 g de PDI/UF, mais, en lactation, on doit se situer entre 90 et 95 g de PDI/UF, sinon les animaux manquent des protéines indispensables pour la synthèse du lait et le développement musculaire. Pour les brebis allaitantes, les besoins sont assez proches (environ 80 g de PDI/UF en entretien, jusqu’à 100 en pleine lactation.)

  • La Densité Energétique du Fourrage (DEF) ou ratio UFL/UEL

Les UEL (Unités d’Encombrement Lait), indiquent l’encombrement du fourrage, qui prendra plus ou moins de place dans le rumen de l’animal. Le rapport UFL/UEL indique donc l’équilibre entre valeur énergétique et valeur d’encombrement de l’aliment. Dans la ration, la DER (Densité Energétique de la Ration) doit être d’environ 0.6 pour un animal à faibles besoins (bovin ou ovin allaitant en gestation), mais monte jusqu’à 0.75 pour une brebis ou une allaitante en lactation, et jusqu’à 0.9 pour une vache ou une chèvre laitière en production.

 

  • Valeurs nutritives de la luzerne de l’essai : tableau de synthèse

 

 

 

Les trois ratios (PDIN-PDIE)/UF, PDI/UF et DEF, ont été calculés et moyennés sur les quatre coupes analysées, pour chaque modalité.

En premier lieu, on se rend compte que la variabilité inter-variétés des ratios est faible, surtout en ce qui concerne le rapport PDI/UF et la DEF (écarts-types de 2 et 3 %). Il y a un peu plus de variabilité pour le ratio (PDIN-PDIE)/UF, avec un écart-type représentant près de 12 % de la moyenne.

Si l’on ne considère que ce ratio, les modalités Milky max et Dentelle sortent du lot avec une valeur notablement plus élevée, tandis que les modalités Excelle et Nutrix sont clairement inférieures à la moyenne.
Cependant, quelle que soit la modalité, le ratio (PDIN-PDIE)/UF et le ratio PDI/UF sont clairement en faveur de la protéine, avec en moyenne (PDIN-PDIE)/UF = 56,8 g PDI/UF et PDI/UF = 129,65 g PDI/UF.

Cet essai permet donc de valider l’intérêt incontestable de la luzerne dans les rations pour apporter des protéines dégradables aux animaux.

Les besoins en PDI/UF de toutes les catégories de ruminants sont en effet largement couverts par ce fourrage à plus de 120 g PDI/UFL.

Par contre les résultats mettent aussi en évidence la nécessité d’associer la luzerne à des fourrages riches en énergie, voire à des céréales, afin d’obtenir une ration équilibrée.

En effet, si on prend le cas d’une chèvre laitière, le ratio (PDIN-PDIE)/UF devant rester inférieur à 15, on ne peut apporter de la luzerne pure, il faut l’associer avec un aliment riche en énergie. Sous peine de quoi la synthèse des protéines du rumen va se retrouver en déficit d’énergie et sera nettement pénalisée (PDIE très limitantes).

Pour ce qui est de la Densité Energétique du Fourrage, elle est faible, et ce de manière très stable : moyenne de DEF à 0.6 et écart type inférieur à 1% de la moyenne. Cela met en évidence le caractère « encombrant » de la luzerne, fourrage fibreux qui va occuper beaucoup de volume du rumen, pour un apport énergétique finalement réduit. D’où la difficulté à rééquilibrer la ration à base de cette luzerne, pour des animaux à forts besoins (en lactation ou en engraissement).

L’un des enjeux de la production de luzerne est donc d’améliorer sa digestibilité et d’abaisser son encombrement, par des coupes précoces, une chaîne de récolte soignée qui évite la perte de feuilles et une conservation si possible en voie humide.

En effet, moins la luzerne est encombrante, plus il est facile de faire ingérer aux animaux les autres composants de la ration, à plus forte teneur en énergie. Pour autant, la fibrosité d’une ration à base de luzerne est aussi un atout pour éviter les désordres métaboliques de type acidose, la rumination étant stimulée par la luzerne.

 

Conclusion

Sur les 3 années de récoltes, nous observons peu de différences de rendement et de valeurs alimentaires entre les variétés testées. Les variétés les plus récentes semblent à privilégier. Les variétés RGT Dentelle, Occitane et le mélange Etincelle + Javva obtiennent de bons résultats sur les 3 années de récolte, aussi bien au niveau de leur productivité que de leur teneur en protéines.

Cependant, dans le choix variétal, il important de prendre aussi en considération d’autres critères comme :
-     l’indice de dormance ;
-     la tolérance aux nématodes et à la verticilliose ;
-     les valeurs nutritives.

Les analyses des valeurs alimentaires sur l’essai mettent en évidence des teneurs en protéines très élevées. Bien que nécessitant en général d’être rééquilibrée en énergie, la luzerne est particulièrement intéressante pour l’alimentation des animaux, surtout lorsque les besoins en protéines sont élevés et que l’on veut éviter les acidoses.

Les dernières années ont particulièrement montré l’intérêt de s’ouvrir aux variétés méditerranéennes, aptes à des secondes et troisièmes coupes à bons rendements, malgré des conditions de sécheresse estivale comme nous pouvons en observer actuellement.  

L’essai a permis également de montrer l’intérêt de l’association luzerne (Etincelle) + trèfle violet (Javva), quoique les conditions pédologiques de la parcelle, favorables à la luzerne, n’aient que peu laissé s’exprimer le trèfle violet.
Il serait intéressant d’évaluer d’autres associations de type luzerne flamande avec luzerne méditerranéenne, ou luzerne avec graminée, avec par exemple de la fétuque, dont le cycle de production est à priori assez adapté à celui de la luzerne.

Par ailleurs,  la luzerne est une culture qui présente de nombreux intérêts agronomiques (fixation de l’azote atmosphérique de l’air, rupture des cycles des adventices et des bio-agresseurs, libération d’azote aux cultures suivantes, structuration des sols …).

Quand on tient compte de ses atouts fourragers et agronomiques, on voit donc que la luzerne permet de garantir une meilleure autonomie protéique aux exploitations et une moindre dépendance aux intrants extérieurs (azote et produits phytosanitaires).