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Sécheresse 2019 : La situation des élevages de la Vienne m’inquiète

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La Chambre d'agriculture de la Vienne insiste auprès de l’administration pour déposer une demande de reconnaissance calamités.

Interview de Philippe TABARIN – Président de la Chambre d’agriculture de la Vienne.

Globalement, beaucoup d’élevages sont fortement impactés cette année par les températures caniculaires et le déficit hydrique, particulièrement exceptionnels, de cet été. Les conséquences techniques et économiques sont lourdes pour les élevages du département.

Déjà affaiblies par la sécheresse 2018, bon nombre d’exploitations se retrouvent en situation fragile.

Quelles actions la Chambre d’agriculture a-t-elle mises en place ?

Le 12 juin dernier, j’ai réuni les représentants de la DDT et des principales OPA, afin de faire le point sur la situation des exploitations d’élevage dans la Vienne.
Au vu de la sérieuse pénurie de paille et fourrage qui s’annonçait, nous avons aussitôt proposé de mettre concrètement en relation des agriculteurs offreurs et des demandeurs, au travers un outil Internet, sur le site de la CA86. Nous avons indiqué un prix conseillé pour la paille, selon sa valeur économique, afin qu’elle serve de référence équitable pour mener des transactions justes entre agriculteurs.
Cet outil est toujours actif sur notre site.

Suite à cela, nos conseillers de terrain ont été mobilisés pour accompagner les éleveurs exprimant le besoin d’être aidés pour faire leur bilan fourrager et un plan de rationnement adapté à la fois au niveau technique et économique, ainsi que des conseils pour rénover les prairies, implanter des dérobées fourragères en interculture ou bien des prairies sous couvert de méteils…

Le 4 octobre, j’ai écrit à Madame la Préfète, afin de l’alerter sur la situation critique que subit l’élevage du département après cet été désastreux, et demander que les services de l’état enclenchent pour 2019, une demande de reconnaissance en calamités sécheresse pour pertes de fourrages, comme cela a été fait en 2018.

Le 22 octobre, une délégation DDT-CA86 a visité quelques exploitations du Pleumartinois pour dresser un état des lieux plus précis de la situation.

Dans la foulée, j’ai souhaité conforter rapidement cette pré-expertise localisée, avec l’appui d'autres remontées du terrain, sur le reste du département. Nous avons donc sondé d’autres éleveurs, en concertation avec leurs organisations de producteurs, ainsi que les différents syndicats agricoles.

Le 4 novembre, Madame la Préfète a répondu à mon courrier du 4/10. Elle indique qu’après expertise à son niveau, « il en ressort que les rendements fourragers ne seraient que peu impactés (…). Les pertes enregistrées ne sont visiblement pas suffisantes pour atteindre les seuils réglementaires (…) du taux de perte de 30% (…). Face à ces constats (…) la reconnaissance du caractère de calamités agricoles (…) est compromise (…). Au vu de tous ces éléments et des conditions d’éligibilité qui ne sont pas remplies, il n’est donc pas opportun d’entamer cette démarche.»

Les jours suivants, j’ai relancé les services de l’état pour leur confirmer que bon nombre d’éleveurs, notamment  de la partie Est et Sud du département, sont confrontés à une forte pénurie de fourrages ; Et que je reste donc persuadé qu’une demande de reconnaissance en calamités sécheresse doit être envisagée. Ils ont alors accepté de réétudier la faisabilité du dossier…


Pouvez-vous nous expliquer comment on obtient la reconnaissance calamités ?

Comme vous le savez, le régime des calamités agricoles vise à assurer une indemnisation aux exploitations agricoles qui ont subi une perte de récolte d’origine climatique et qui remplissent les conditions d’éligibilité. Cette indemnisation est financée par le Fonds National de Gestion des Risques en Agriculture (FNGRA). Ce régime constitue un filet de sécurité qui assure aux agriculteurs un premier niveau de couverture.

Pour prétendre à la reconnaissance au titre des calamités agricoles pour pertes de fourrages suite à la sécheresse, il y a 2 conditions à remplir :

Condition 1 :

La perte herbagère au sein d’un territoire donné, doit être au minimum de 30% par rapport à une année normale. Cette perte est identifiée par une cartographie ISOP (Information et Suivi Objectif des Prairies) modélisée notamment par l’INRA et Météo-France.

  • L’indicateur de rendement des prairies permanentes ISOP compare la pousse cumulée de l’année avec la pousse moyenne cumulée calculée sur la période de référence 1982-2009.  

  • De son côté, Airbus produit également une carte, utilisée par certains assureurs pour leur assurance prairies. 

 

Condition 2 :

Cette perte doit engendrer une diminution d’au moins 13% du produit brut global de l’exploitation, incluant toutes ses productions.

La Chambre d’agriculture ne gère pas directement la demande de reconnaissance en calamité agricole. Elle découle en fait des échanges entre la DDT et le BGR – Bureau de Gestion des Risques – du Ministère de l’agriculture, échanges qui sont bien entendu alimentés par nos soins et vos organisations professionnelles locales.

Lorsque la décision est prise de déposer une demande de reconnaissance, alors, sous couvert du Préfet, la DDT s’assure de la parfaite mise en œuvre des étapes :

  1. Une mission d’expertise visite sur place un échantillon d’élevages, afin de constater précisément les dommages.
  2. Le comité départemental d’expertise, présidé par le Préfet, se réunit pour statuer sur les résultats obtenus.
  3. Le préfet adresse au ministère de l’agriculture la demande de reconnaissance, étayé par les documents, démontrant le caractère exceptionnel du phénomène climatique et établissant le lien direct avec les pertes.
  4. Le ministère instruit la recevabilité de la demande de reconnaissance et le cas échéant, signe l’arrêté.

Sur ces 2 cartes, la Vienne ressort en déficit faible. La zone de déficit moyen à important semble s’arrêter aux limites du département. C’est étonnant.

Force est de reconnaître que l’analyse des données météo et de pousse de l’herbe de la Vienne confirme que la saison fourragère 2019 aura été relativement favorable au printemps, avec une croissance des fourrages dans la moyenne, et des fenêtres climatiques adaptées aux chantiers de récolte.

C’est ce que traduisent les 2 cartes ISOP et Airbus. Mais le problème, c’est qu’elles ne tiennent pas compte de l’interminable période de canicule – sécheresse qui a sévi à partir de juillet, avec tous les effets désastreux que l’on connait : Obligation d’affourragement intégral, beaucoup de maïs ensilage brulé sur pied, dégradation importante de la flore des prairies, état corporel des animaux…


Et à propos du dossier 2018, où en sommes-nous ?

  • 793 demandes ont été déposées.

Suite à l’annonce par le Président Macron, le 4 octobre dernier au sommet de l’élevage à Cournon, le Fonds National de Gestion des Risques Agricoles a rabaissé, à titre exceptionnel et dérogatoire, le taux de perte de fourrage sur le produit brut à 11% (au lieu de 13%).

Dans notre département, cet assouplissement a permis de « rattraper » environ 65 demandes supplémentaires, qui n’étaient jusqu’alors pas éligibles. Au final, 527 demandes ont été indemnisées

Initialement, une enveloppe de 3,3 millions d’euros avait été attribuée au département de la Vienne. Au bout du compte, 2,36 millions d’euros ont été versés.


Certains ont reçu une aide de la Région. De quoi s’agit-il ?

En effet, la Région Nouvelle-Aquitaine a également décidé de soutenir les agriculteurs victimes de la sécheresse 2018, en complétant l’indemnité calamité par une aide forfaitaire, égale au montant du dommage indemnisable, multiplié par le taux de 5% et plafonné à 750€ par exploitation. Le versement est en cours.


Est-ce que les départements voisins ont déposé une demande ?

Les départements 16, 36, 79, 87 ont été reconnus calamités 2018, pour tout ou partie de leur territoire.
Pour 2019, il n’y a pas à ma connaissance de demande déposée à ce jour. Certains zonages étant à l’étude, cela pourrait néanmoins évoluer, notamment chez nos voisins de la Haute-Vienne. Je vais suivre cela de près, au cas où nous pourrions étendre leur éventuelle zone de reconnaissance sur le Sud Vienne par exemple.


Et maintenant, quelles suites allez-vous donner aux actions déjà engagées ?

La gravité de la sécheresse a conduit cet été les services de l’état à signer toute une série d’arrêtés de mesures de restriction des prélèvements d’eau d’irrigation, sur quasiment l’ensemble du département ; Cette même sécheresse a forcément sévi avec autant d’intensité chez les éleveurs !


Je l’ai bien vu et entendu sur le terrain ces derniers temps : bon nombre d’éleveurs, notamment de la partie Est et Sud du département sont confrontés à une forte pénurie de fourrages. Je reste donc persuadé qu’une demande de reconnaissance en calamités sécheresse doit être enclenchée. Nous allons poursuivre avec insistance nos efforts dans ce sens, en cohérence avec les départements voisins.

Et je dirai même plus, les méthodes d’évaluation calamités ne sont plus adaptées aux situations climatiques actuelles. Nous allons donc également demander leur révision.

Ceci étant, en attendant, si vous êtes en difficulté au niveau de votre situation fourragère ou plus globalement au niveau technico-économique-financier, n’hésitez pas à nous contacter. De même, si vous connaissez des voisins dans cette situation, recommandez-leur de ne pas rester seul et de se signaler. Nos conseillers de terrain se tiennent prêts pour vous accompagner. Contact : 05.49.91.01.15

 

Je vous assure faire tout mon possible pour que votre Chambre d’agriculture soit aux côtés des éleveurs en ces moments difficiles.

Bien à vous.

Philippe TABARIN,
Président de la Chambre d'agriculture de la Vienne